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 Gerstein?

Kurt Gerstein was an art thief: are no memories sacred?

WELL, well. It turns out (see French article below) that -- like the father of Madeleine Albright, Josef Korbel, who stole paintings from the Austrian home in which he was billeted after the war, and which she still refuses to return to their proper owner -- the SS officer Kurt Gerstein (right) was a petty thief and looted at least one fine painting. Among his effects was found in 1947 a priceless work by Henri Matisse, "Mur rose de l'hôpital de Calvi".

Gerstein was the SS officer who headed the Abteilung Entwesung und Entseuchung (Pest Control and Decontamination Dept) at Auschwitz, and signed for the tons of canisters of Zyklon used each year for fumigation. After the war he was imprisoned by the French, and wrote seven different versions of a report on what he knew, each report more lurid and helpful to the victors than the predecessor; he then no less helpfully committed suicide, so they said. At any rate he was carried dead out of the French jail.

RoquesFrench historian Henri Rocques (left) was awarded a PhD degreee on the strength of his annihilating thesis on the Gerstein Report, only to have it formally and solemnly stripped from him because the Jewish community of France was outraged -- the only emotion they ever seem to experience.

We have his further research to thank for this unexpected discovery. He found it in an essay on looted Nazi art in the Encyclopædia Universalis. The author, Didier Schulmann, may not have realised who Gerstein was. The item has since disappeared from the encyclopaedia website, but the Google search engine runs an excellent service whereby web pages can be resuscitated from the dead, and it was found there. We shall keep it permanently alive here, in cyber-cryogenic space, for the delectation of our friends and, ahem, the outrage of our enemies.

Here is a translation of what it says [French text]:

We lose track of The Pink Wall of Calvi Hospital, painted by Matisse in 1897, after it was sold in Paris in 1914. It was found again in July 1947 in Tübingen in the cache of an SS officer, Kurt Gerstein, who had committed suicide in the prison of Cherche-Midi in Paris, to which he had just been transferred after being interrogated. The testimony of Kurt Gerstein is a central piece in the description of the extermination system: its statements constitute the only existing evidence -- precise, technical and detailed, of the gassing of the Jews, at which he had been present as the provider of the Zyklon B gas for the camps of Belzec and Treblinka. The circumstances udner which he came into the "possession" of the Matisse (currently in the repertoire of the MNR) are still unknown. square

 

IrvingDavid Irving adds some minor points:

I DEAL extensively with Hermann Göring's art looting activities in my major biography of him, which was also published in France. Author Didier Schulman has lifted many of the results of my original research for his article below. Many years ago, incidentally, walking round Basel, Switzerland, with my friend Rolf Hochhuth, we bumped into the brother of Kurt Gerstein, a dim, shadowy figure in a cafe, and chatted briefly with him; Rolf knew him well. He had used poetic licence to put Gerstein on stage in his famous play about Pope Pius XII, Der Stellvertreter.

Poetic licence does not however extend to historians. In the Lipstadt Trial I had some happy moments cross-examining Lipstadt's witness Professor Christopher Browning, who had relied heavily on the Gerstein Report in his expert witness statement, but had carefully deleted all the passages which made it look ludicrous (like a twenty-meter high mountain of discarded clothing). [Transcripts]


From the Encyclopædia Universalis:

 
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Les spoliations d'oeuvres d'art par les nazis

Auteur: Didier Schulmann
Conservateur en chef au Centre Georges Pompidou,
chargé de la documentation du Musée national d'art moderne.

 

SOIZANTE ans après les faits, la question des spoliations d'œuvres d'art opérées en France par les nazis n'est toujours pas devenue un sujet d'histoire: elle reste un objet de polémique. Pourtant, la multiplication, depuis 1995, de recherches, de colloques, de conférences internationales, d'expositions, de publications et d'articles de presse a permis de constituer un dossier spécifique désormais bien étayé. Mais la sereine analyse des faits a été contrariée de deux façons: l'inclusion initiale -- et, semblait-il, légitime -- du sujet dans le vaste débat international conduit depuis les États-Unis sur la question des «avoirs juifs» et la regrettable confusion qui s'est opérée dans l'opinion française entre les œuvres spoliées et les quelques 14 000 «M.N.R.» dont les Musées nationaux ont assuré la garde à partir du début des années 1950. Les conclusions du rapport final de la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, présidée par Jean Mattéoli, ont, au début 2000, proposé des solutions qui se substitueront à un statut daté, trop marqué par l'esprit de l'après-guerre.


 

Les spoliations d'oeuvres d'art par les nazis

LE DOSSIER du destin des œuvres d'art pendant l'Occupation a été rouvert publiquement à la fin de l'année 1995. La publication de l'enquête du journaliste Hector Feliciano Le Musée disparu et la traduction en français de la somme de l'historienne américaine Lynn H. Nicholas Le Pillage de l'Europe ont, d'entrée de jeu, alimenté le débat de nombreuses controverses.

En France, depuis les années 1970, le film Le Chagrin et la pitié (1971) puis les révélations apportées par la traduction de l'ouvrage de Robert Paxton La France de Vichy (1972) ont focalisé l'examen de cette période de l'histoire sur la responsabilité d'institutions nationales impliquées dans la collaboration avec les nazis. Il est pourtant très vite apparu que l'administration la plus exposée alors sur ce terrain, la Direction des musées nationaux, avait réellement joué le rôle de "bouclier" (que d'aucuns, dans les années 1960, avaient cru pouvoir attribuer à l'État vichyste tout entier, thèse désormais bien abandonnée). En organisant le transfert, la protection et la mise à l'abri des collections publiques et d'un grand nombre de collections particulières, dans des châteaux privés difficilement repérables et accessibles (la crainte, alors, n'était ni les pillages ni les spoliations, mais les bombardements), puis en compliquant la tâche de l'occupant quand il cherchae à les réquisitionner, ce secteur de l'État avait, spontanément, adopté une attitude "résistante" face aux exigences nazies. Après la Libération, des dizaines de milliers d'œuvres retrouvées en Allemagne sont revenues en France et ont pu, pour l'essentiel, être restituées. Les Musées nationaux œuvrèrent alors afin que des pièces importantes non restituables dans un premier temps, parce qu'elles étaient d'origine douteuse, ou imprécise, ou encore parce que planait sur elles une présomption de spoliation, soient écartées des ventes qu'organisait l'administration des Domaines légitimement désireuse de procurer des liquidités à un État exsangue sur le plan budgétaire. C'est ainsi que fut constitué, dès le début des années 1950, un fonds d'un peu plus de 2000 références que l'on baptisa M.N.R.: Musées Nationaux Récupération. Ces œuvres, qui ont été confiées à la garde des musées, ne sont, en aucune manière, considérées comme faisant partie du domaine public.

La tentation de la polémique

En 1996, la presse quotidienne, les revues et les magazines eurent à rendre compte du colloque Pillages et restitutions, le destin des œuvres d'art sorties de France pendant la Seconde Guerre mondiale, organisé au Louvre par la Direction des musées de France (D.M.F.) le 17 novembre 1996 ainsi que des recherches menées sur la question des spoliations artistiques par les nazis, en tant que problématique historiographique à la convergence des politiques culturelles du IIIe Reich et des persécutions antisémites. Les M.N.R. apparurent alors comme de véritables "buttes-témoins" de cet aspect oublié du pillage, et se retrouvèrent sous les feux de l'actualité.

Un raccourci trop rapidement tracé (œuvres en M.N.R. = œuvres spoliées) engendra une confusion: l'État aurait accaparé des œuvres spoliées et perpétuerait ainsi l'acte des spoliateurs. À coup d'équivalences hâtivement établies, ce point de vue se nourrissait des découvertes que des chercheurs accomplissaient, en France et à l'étranger, dans des fonds d'archives consacrés à d'autres secteurs touchés par les spoliations ou les appropriations criminelles: dépôts bancaires, contrats d'assurances, entreprises commerciales ou industrielles; sans parler du "scandale" de l'immobilier parisien du quartier du Marais qui avait fait long feu entre-temps.

Force est de constater, que, en 1995, la documentation sur l'histoire de ces 2 000 œuvres pendant l'Occupation n'avait guère été enrichie depuis leur versement dans ce fonds M.N.R. Ces lacunes autorisèrent alors toutes les hypothèses, encore activées par les révélations des historiens sur l'ampleur du trafic des œuvres d'art au cours de la Seconde Guerre mondiale. S'appuyant sur un faisceau de démarches judiciaires (rapport de la Cour des comptes du 7 décembre 1995) et administratives (saisine de la chancellerie par la D.M.F. sur l'avenir des M.N.R.), la presse se livra à une surenchère particulièrement insistante, au contenu hâtif -- on citera notamment deux articles du Monde "Mille Tableaux de nos musées attendent leurs vrais propriétaires", 26 avril 1996; "Les musées détiennent 1,955 œuvres d'art volées aux Juifs pendant l'Occupation", 28 janvier 1997, quatre colonnes à la une -- qui provoqua l'exposition nationale de plusieurs centaines de M.N.R., dans une dizaine de musées, en avril 1997.

L'état de la question au cours des années 1990

Lorsque, à la fin de l'année 1995, Hector Feliciano publie les résultats de son enquête, que sait-on exactement du "phénomène" de la spoliation des œuvres d'art? Dans le détail de son déroulement, de son étendue, de ses conséquences et de la façon dont la question a été traitée -- et considérée comme étant globalement résolue -- à la fin de la guerre, on ne sait plus grand-chose. Le seul ouvrage sur la question, Le Front de l'art, le livre-témoignage de Rose Valland, est épuisé depuis plus de trente ans; en France, aucun travail universitaire n'a été entrepris sur ce sujet précis. Laurence Bertrand-Dorléac, dans sa thèse (en 1986) puis en consacrant au pillage et aux spoliations le premier chapitre de son livre (en 1993), qui traitait des politiques, des comportements, des styles et des engagements publics adoptés par des artistes, des institutions, des galeries et la critique pendant l'Occupation,, a, pour la première fois, orienté les préoccupations des chercheurs et du public sur le caractère fondateur et déterminant des exactions nazies, puis vichystes, dans pourtant bien pressenti à quel point les spoliations avaient constitué l'acte fondateur sur lequel s'était bâti l'extraordinaire développement du marché de l'art au cours de la période. Ces deux ouvrages révélaient déjà que c'était bien l'exorbitante démesure des spoliations nazies qui avait, d'une certaine manière, autorisé tous les débordements dans lesquels le marché de l'art s'était engouffré.

En réalité c'est un savoir imprécis qui circulait dans le milieu de l'art (tant parmi les marchands et les collectionneurs que chez les experts, les commissaires-priseurs et les conservateurs de musées). De façon générale (et surtout parmi les jeunes générations), on considérait qu'à l'étendue des confiscations, dont témoignaient les rares exemplaires subsistants du Répertoire des biens spoliés (publié en 1945-1947, à partir des déclarations des victimes), correspondait la certitude que, grâce aux restitutions et aux indemnisations, les dommages étaient réparés, qu'un grand nombre d'œuvres avait été détruites et que l'Armée rouge (l'Union soviétique ne s'en était pas cachée) avait prélevé son "dû" sur le reliquat. Les quelques interventions des héritiers du marchand Paul Rosenberg ou du collectionneur Adolphe Schloss qui, dans les années 1970, revendiquaient des œuvres apparaissant ponctuellement sur le marché, permirent au milieu de l'art d'avoir l'impression réconfortante que seuls ces deux cas n'avaient pas été intégralement réglés.

Le retour à l'histoire

Il est désormais admis qu'il n'y a pas eu, dans les années d'immédiat après- guerre, de règlement total et définitif de la question des œuvres spoliées. C'est donc à l'examen des faits mis à l'épreuve du droit qu'il convient de se référer. Mais, pour que le droit soit dit, il doit s'appuyer sur une relation des faits qui rende compte non seulement des exactions et des persécutions commises par les nazis et des brèches délictueuses que leurs agissements ouvrirent dans le marché de l'art, mais aussi des difficultés des entreprises de récupération et de restitution, du climat social et politique, et des sensibilités qui prévalurent après guerre tant parmi les victimes de spoliations que parmi les survivants.

Les processus et les dispositifs d'appropriation, de mise en coupe réglée du patrimoine artistique présent sur le sol français ne relèvent ni de "la bonne aubaine", ni d'une exploitation des circonstances nées de la victoire du Reich; ils résultent d'une intention, non seulement longuement mûrie et préparée, mais constitutive et fondatrice de l'expansionnisme nazi, qui classe les spoliations au nombre des buts de guerre de l'Allemagne. Le fondement de cette politique, c'est l'antisémitisme exterminateur d'Hitler. Ses conséquences, c'est l'espèce de blanc seing que les spoliations nazies donneront à tous les trafiquants. C'est la mise en œuvre de cette politique qui rend possible le projet de collection qu'Hitler rêvait d'installer dans son musée de Linz ainsi que les entreprises prédatrices des dignitaires nazis, les transferts massifs d'œuvres en Allemagne et, enfin, le formidable développement du marché de l'art parisien, qui n'était d'ailleurs pas limité au commerce d'œuvres spoliées.

En 1947, dans la préface à un recueil de documents nazis sur la question, Jean Cassou, directeur du Musée national d'art moderne, avait parfaitement discerné comment la haine pour les Juifs et la haine pour les œuvres, principalement celles des artistes modernes, étaient, chez les nazis, indissolublement mêlées:

"Sans doute, les ouvrages du génie humain excitaient-ils la cupidité des brigands germaniques, puisque ces ouvrages étaient cotés extrêmement cher. Mais au fond d'eux-mêmes, dans leurs entrailles de bêtes, ils abhorraient la réalité spirituelle dont ce prix était le signe. […] En fait, tous ces trésors étaient ensorcelés: c'était du juif. D'abord, les Juifs les avaient enfouis sous les flots mélodieux de leurs cavernes. Ensuite, à quoi aboutit l'effort du génie humain dans le domaine plastique? ÀA l'art dégénéré, à l'art juif. […] Oui [le truand boche] abomine ces œuvres qui sont un signe de Satan, et dont lui, barbare, ne peut comprendre et saisir l'essence. Ici son appétit de profondeur échoue. Et ce n'est pas par hasard qu'il invente tout son système antisémite. Car ce qu'il appelle juif, c'est ce qui lui est inaccessible, ce qui ne peut le satisfaire et lui suffire…"

Ce n'est qu'à la mesure de cette histoire, qui doit inclure la formidable entreprise de récupération, de retour, d'identification et de restitution de la plupart des œuvres emportées en Allemagne, que peut s'apprécier la question, spécifiquement française, des M.N.R. À la fin de la guerre, aucun autre pays européen n'a d'ailleurs pris la précaution, respectueuse des victimes comme des recherches à entreprendre, de constituer un fonds comparable.

Préliminaires

Dès le lendemain de la visite éclair d'Hitler à Paris, le 23 juin 1940, alors que la Wehrmacht n'occupe la capitale que depuis dix jours, des dispositions sont prises pour que les trophées de guerre d'origine allemande conservés aux Invalides soient expédiés au musée militaire de Berlin. L'émoi que suscite cette mesure, somme toute "normale" dans le cadre des vexations que le vainqueur inflige au vaincu, camoufle la décision prise quelques jours plus tard par l'ambassadeur Otto Abetz qui ordonne les saisies des stocks et collections de quinze très importants marchands parisiens, tous juifs: les Seligmann, Georges Wildenstein, Alphonse Kann, les Bacri, Paul Rosenberg, Bernheim-Jeune…, et ce antérieurement à la promulgation, par Vichy, de la loi portant déchéance de la nationalité pour les Français ayant quitté le territoire.

Ce que l'opinion de l'époque ignore également, c'est l'existence d'une liste, dressée sous la responsabilité d'Otto Kümmel, directeur des musées du Reich, de mille huit cents références correspondant à des œuvres, appartenant aussi bien à des musées qu'à des collectionneurs, dont, à des titres divers, l'Allemagne revendique la restitution: elle servira aux agissements d'un historien de l'art, Hermann Bunjes, initialement agent du Kunstschutz, transféré par Göring au sein de l'E.R.R. avec un grade d'officier de la S.S., et dirigeant, à Paris, l'Institut d'histoire de l'art allemand en France. C'est sous couvert de cet organisme à la façade universitaire que seront organisées les tentatives d'enlèvement de certaines œuvres des musées, qui se heurteront à la farouche résistance des conservateurs et du directeur du Louvre, Jacques Jaujard. Ce dont personne, en France, n'avait pris la mesure, c'est à quel point, les nazis s'étaient, depuis des années, tant pour l'établissement de cette liste (qui restera secrète et peu exploitée par ses auteurs) que pour parvenir rapidement et sélectivement au sein des gisements d'œuvres qu'ils convoitaient, livrés à un travail de repérage, à coup d'échanges inter-universitaires, de stagiaires infiltrés dans les départements du Louvre, de thésards accueillis dans les bibliothèques, les archives, les documentations et les réserves des musées.

Dans le domaine de la diffusion des idées, de l'histoire de l'art, le pangermanisme était pourtant détectable: Pierre Francastel, qui publia en 1945 son cours de l'année 1939-1940 dispensé à l'université de Strasbourg repliée sur Saint-Étienne, intitula le volume: L'Histoire de l'art, instrument de la propagande germanique. Il y dénonce le détournement, au profit d'une exaltation nationaliste et raciale, de certaines théories sur l'art médiéval (la transition du roman au gothique) et sur les foyers de développement du classicisme et du baroque. La pression sur les persécutés pouvait être telle qu'un historien de l'art, allemand et juif, aussi sourcilleux que Max Friedländer, quoique chassé du Reich et réfugié aux Pays-Bas, soit "retourné" par les nazis: protégé par eux, il renseigna abondamment les agents de Göring qui cherchaient à localiser des œuvres de maîtres flamands dont il était spécialiste, pour compléter, par rapines, échanges ou achats, l'immense collection que leur maître rassemblait dans sa propriété prussienne de Karinhall.

Les spoliations, les agissements de l'E.R.R.

Forts de tous ces préparatifs, au cœur de l'été de 1940, les nazis peuvent commencer leurs entreprises de spoliations à une très vaste échelle. Deux services concurrents interviennent dans un premier temps: la Gestapo, utilisée par l'ambassadeur Otto Abetz, et le très correct Kunstschutz, dépendant de la Wehrmacht, et dirigé par le comte Metternich. Ces militaires sont chargés de localiser, d'inventorier, de protéger et de maintenir en place le patrimoine artistique français. Mais, Abetz comme Metternich sont, dès la fin du mois d'août, doublés par l'E.R.R., Einsatzstab Reichleiters Rosenberg (le service de l'état-major Rosenberg), du nom de l'"idéologue" officiel du nazisme qui assurait la direction de ce service. Rosenberg1Alfred Rosenberg (gauche) était l'auteur d'un des ouvrages de référence des nazis Mythe du vingtième siècle. L'E.R.R. bénéficie du soutien politique du Reichmarschall Göring, "dauphin" d'Hitler, qui met à sa disposition l'appui logistique de la Luftwaffe, et ses experts personnels, Bruno Lohse et Walter Andreas Hofer. L'E.R.R. s'installe au Jeu de Paume dès octobre 1940 et y transfère instantanément plus de quatre cents caisses stockées auparavant au Louvre et à l'ambassade d'Allemagne et qui correspondaient aux premières saisies. L'E.R.R. aura -- au terme de son action à l'été de 1944 -- procédé à la confiscation et à l'inventaire systématique de plus de 250 stocks de marchands et de collections, totalisant environ 15 000 œuvres et objets: outre les noms déjà cités, les listes de l'E.R.R. les plus fournies (celles qui correspondent à plus de 100 œuvres) comprennent les noms de Hans Arnold, des David-Weill et des Dreyfuss, de Jules Fribourg, des familles Halphen, Kalmann, Kalmann-Lévy, Kraemer, Mayer, Merzbach, d'e Eugène Spiro, Jacques Stern, Walter Strauss, des familles Auxente, Lévy de Benzion, Weinberger et, évidemment, de toutes les branches Rothschild, dont les immenses collections excitaient la cupidité nazie.

Rose Valland, attachée de conservation au Musée national des écoles étrangères (le Jeu de Paume avant l'Occupation), assura sur place un contrôle périlleux pour elle. Elle renseignait Jacques Jaujard au jour le jour. Sa présence attentive, ses notes et ses rapports permirent de suivre et de connaître le provenance et la destination des œuvres entrant et sortant du bâtiment, de les mettre en relation avec la vingtaine de visites que Göring y accomplit, de comprendre l'organisation et les méthodes de travail de l'E.R.R., de débusquer la centaine d'œuvres impressionnistes ou modernes qui, par le biais d'échanges entre l'E.R.R. et des marchands allemands chargés de fournir Göring en œuvres anciennes et classiques, ne furent pas expédiées vers l'Allemagne, mais se retrouvèrent sur les marchés de l'art français et suisse. En effet l'E.R.R. se livrait, au Jeu de Paume, à un véritable commerce, sous forme de trocs dûment consignés sur contrats. Sur le plan quantitatif, l'échange était inégal: il visait à fournir, pour les collections de Göring, d'Hitler et celles d'autres dignitaires nazis, de la peinture ancienne contre de la peinture impressionniste ou moderne, dans une pièce ancienne s'échangeant contre quatre à douze œuvres modernes. Les transactions, orchestrées par Kurt von Behr, chef de l'E.R.R. à Paris, se déroulaient essentiellement sous le contrôle d'Hofer, de Lohse et d'un autre rabatteur, Hans Wendland, avec un marchand allemand installé dans la capitale depuis les années 1920, Gustav Rochlitz. Celui-ci fournissait de la peinture ancienne prélevée sur son stock ou acquise sur le marché, et écoulait la "marchandise" moderne ou impressionniste ainsi obtenue auprès de courtiers (dont certains, juifs, furent déportés ultérieurement) ou de grandes galeries ayant pignon sur rue dans la capitale.

Alors que le pillage méthodique des grandes collections ou des stocks prestigieux se déroule de l'été de 1940 à juin 1944 (avec, semble-t-il, une plus forte pression de mars à septembre 1942), deux nouveaux dispositifs vont permettre d'augmenter le flux de la spoliation artistique: l'un allemand, l'autre français. À partir de janvier 1942, à l'initiative de l'E.R.R., qui cherche à étendre ses activités, les lieux de pillage se multiplient et se diversifient: c'est le début de la M-Aktion, M pour Möbel (meuble). Il s'agit, sans aucune concertation réglementaire avec Vichy, de vider de tous leurs meubles les appartements occupés par des Juifs ayant fui ou ayant été déportés; les semaines qui suivront la rafle du Vél' d'Hiv' (16 juillet 1942) élargissent considérablement -- socialement et géographiquement -- le terrain de chasse des nazis. Ce programme visait, dans un premier temps, à fournir du mobilier pour les colons allemands installés dans les territoires de l'Est, puis à remplacer les destructions causées par les bombardements alliés en Allemagne. En "razziant" 71 619 logements (en France, en Belgique et aux Pays-Bas), les agents de l'E.R.R. récupérèrent des milliers, et sans doute des dizaines de milliers d'œuvres d'art, depuis la marine insipide jusqu'à la peinture de maître oubliée, dont, dans leur hâte et leur indifférence, ils ne consignèrent pas l'origine (leur provenance modeste ne pouvait rivaliser en effet avec le prestige des grandes collections).

La participation française à la spoliation par l'"aryanisation"

Préalablement à cette mise en coupe réglée, les dispositions réglementaires de Vichy à l'encontre des Juifs (10 septembre 1940, second statut du 2 juin 1941) avaient atteint les œuvres d'art. L'aryanisation des biens et des entreprises appartenant à des Juifs avait conduit les administrateurs provisoires "aryens" nommés par le Commissariat général aux questions juives, prenant en main la gestion des biens immobiliers des Juifs déchus, déportés ou partis, à se saisir du reliquat du mobilier "oublié" par l'E.R.R. et à le mettre en vente à l'hôtel Drouot.

La recherche, sur ce chapitre, ne fait que commencer. Elle a déjà révélé que, à la requête de l'administrateur provisoire "aryen" Elie Pivert, les œuvres d'art et les objets négligés chez Alphonse Kann par l'E.R.R. furent vendus à Drouot en novembre 1942 et rapportèrent 1 million de francs; ceux des Bacri, dont la vente fut échelonnée en trois vacations de janvier à mai 1943, rapportèrent 2700000 francs que l'administrateur provisoire versa au Commissariat général aux questions juives qui virait les fonds à la Caisse des dépôts… Pas un seul nom allemand n'apparaît dans la liste des adjudicataires des 199 lots de la vente Kann: seuls d'honorables marchands parisiens, de nombreux "puciers" et de futurs épurés se pressèrent à Drouot, attirés par l'annonce officielle qui précisait: "Vente de biens israélites Khann [sic]". Sauver les meubles? Se servir sur la bête? Tous les comportements, toutes les motivations, peuvent être envisagés dans un secteur d'activité dopé par la soudaine irruption d'une telle manne et par le sentiment qu'on se la partageait entre Français.

Le marché de l'art ou le libre jeu de l'offre et de la demande

À cette face noire du marché correspondait une face grise ou, plutôt, vert-de-gris: celle des milliers d'achats réalisés "régulièrement", en galeries ou en ventes publiques, aux prix très élevés du marché, par des musées ou des collectionneurs allemands, ou par les agents des dignitaires nazis. Ils constituent le gros des œuvres aujourd'hui inventoriées en M.N.R. et, avec celles issues de la M-Aktion qui n'ont pu être restituées, l'essentiel des 13 000 lots vendus par l'administration des Domaines en 1949-1951. Au nombre de ces achats, on trouve, par exemple, des bronzes de Despiau fondus par Rudier sur commande du musée de Francfort; comme des "dégénérés" (selon les canons nazis), Max Ernst ou Torrès-Garcia par exemple, vendus, par une galerie de la rive gauche, sur son stock antérieur à la guerre. Notons au passage, pour souligner la complexité des situations, que l'acheteur, en l'occurrence un industriel allemand, était par ailleurs le protecteur d'artistes du Bauhaus pourchassés.

Toutes ces transactions, en vertu d'une déclaration inter-Alliés de Londres de 1943, seront déclarées nulles, et les œuvres correspondantes, retrouvées en Allemagne à partir de 1945, reviendront en France. Les Allemands fréquentaient également Drouot: quatre peintures italiennes des xviie et xviiiee siècles vendues aux enchères par Me Maurice Rheims, en avril 1941, à des agents de Göring, dans la liquidation, selon le droit commun, de la succession d'un collectionneur juif italien, furent naturellement classées en M.N.R. après leur retour d'Allemagne. Le fruit de la vente avait permis de rembourser les créanciers de ce collectionneur. Les œuvres ont été récemment restituées à ses héritiers par un arrêt de la cour d'appel de Paris (arrêt du 2 juin 1999) qui a considéré comme spoliatrices les quatre adjudications, étant donné les circonstances exceptionnelles dans lesquelles le statut des Juifs plaçait les enfants du collectionneur.

Des ébauches de solution

La quête de quatre années qui conduira les Alliés, puis les Allemands eux-mêmes, tous grandement aidés par Rose Valland, jusqu'e à la fin de 1949, à localiser les œuvres, à se les faire remettre et à en identifier les provenances aboutira à la réexpédition vers la France de plus de 60 000 pièces. Sur la base de ses recherches et investigations propres, suscitant et collectant 2 290 dossiers de demandes de restitution, déposant des plaintes et provoquant des enquêtes diligentées par plusieurs juges d'instruction aidés par un groupe de policiers qui interrogea tout le marché de l'art parisien, la Commission de récupération artistique parvint, de l'automne de 1944 à 1949, à restituer plus de 45 000 œuvres. Parallèlement, diffusé au niveau international, le Répertoire des biens spoliés signalait les milliers d'œuvres réclamées qui n'avaient pas été retrouvées.

L'essentiel du travail de "remise en place" était terminé; les mesures financières de réparations et d'indemnisations, introduites ultérieurement par des dispositifs législatifs allemands, parachevaient l'édifice.

La résurgence de souvenirs, le besoin de comprendre et de parler, les curiosités les plus diverses (celles des jeunes générations, celles des historiens), l'accessibilité et l'intelligibilité des archives, l'œuvre du temps… tout converge pour qu'à l'établissement des faits corresponde l'énoncé des responsabilités individuelles et collectives. Il n'en demeure pas moins qu'une différence majeure existe entre les biens immatériels que sont les fonds, les comptes et les contrats et les œuvres d'art;, ces dernières sont certes destinées à la délectation de l'esprit mais elles sont aussi soumises à un système qui les fait vivre: le marché de l'art.

On comprend seulement aujourd'hui à quel point il était inévitable, après un tel bouleversement et malgré les efforts accomplis pour tenter d'en réparer les effets, que des situations résiduelles, des cas ponctuels (si on pense à la masse des œuvres déplacées) réapparaissent aujourd'hui comme autant de faits ayant échappé aux règlements d'après guerre. Au-delà de la question des œuvres M.N.R., à propos desquelles la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, installée par le Premier ministre en 1997.. et présidée par Jean Mattéoli, aura à proposer, cas par cas, des solutions pour leur avenir, il y a évidemment d'autres œuvres dont le sort n'est pas réglé, mais combien? Elles se trouvent dans des musées où elles semblent repérables, sur le marché de l'art ou chez des collectionneurs où elles le sont moins. La loi, le droit auront à dire si, aux crimes contre l'humanité perpétrés contre des personnes et qui sont imprescriptibles, on doit assimiler les forfaits commis sur les biens, forfaits qui accompagnèrent ces crimes. Ces objets doivent devenir des symboles, tout en restant des œuvres, mais il faut éviter d'en faire des allégories. En tout état de cause, et comme pour les autres aspects des persécutions, il n'y aura pas de retour à un statu quo ante. Il conviendra de ne pas oublier que les musées, et même les musées d'art, sont des lieux de mémoire du génie, comme des souffrances, de l'humanité et que l'évocation des crimes nazis trouve plus pédagogiquement sa place sur les cimaises de nos musées que sous le marteau des commissaires-priseurs, auxquels auxquels on voit des descendants de victimes de spoliations confier les œuvres restituées.

Quelques sites Internet pour en savoir plus :

  • Catalogue des MNR (Musées nationaux Récupération) Site du Ministère de la Culture : il propose le catalogue en ligne des oeuvres pillées et récupérées à la fin de la guerre.
  • Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France La Documentation française a mis en téléchargement l'ensemble des rapports de la mission Mattéoli remis à Lionel JOSPIN en avril 2000.
  • Centre national d'art et de culture Georges Pompidou Le Centre Georges Pompidou présente le catalogue en ligne de l'exposition organisée en avril 1997, qui rassembla 38 oeuvres inscrites au registre MNR. Une analyse des faits et une chronologie des événements permettent d'approfondir leur contexte historique.
  • Le Monde - La spoliation des biens juifs Le Monde consacre un dossier aux spoliations de biens juifs et à la commission Mattéoli. Un bon nombre d'articles retrace l'itinéraire des oeuvres d'art pillées et retrouvées.

Quelques oeuvres, visibles sur le site du Centre Georges Pompidou, ont une histoire particulière qui mérite d'être relatée :

Max Ernst - Fleurs de coquillages

"Fleurs de coquillages" a été commandé à Max Ernst par le marchand Léonce Rosenberg en 1929. En 1947, dans le cadre des déclarations obligatoires d'achats effectués en France pendant l'Occupation, un industriel de Wüppertal, collectionneur et, par ailleurs, protecteur d'artistes du Bauhaus pourchassés par les nazis, reconnaît avoir acheté ce tableau en 1944, dans une galerie de la rive gauche, dont Léonce Rosenberg fréquentait alors les vernissages. À la Libération, Léonce Rosenberg a d'ailleurs déclaré explicitement qu'il n'avait été spolié d'aucun de ses biens. L'œuvre est répertoriée parmi les M.N.R. (Musées nationaux récupération) à partir de 1949.

Fernand Léger - Femme en rouge et vert

Ce "contraste de formes" de Fernand Léger, "Femme en rouge et vert", 1914, appartenait au marchand Léonce Rosenberg en 1935. Retrouvée en Allemagne, en 1948, dans une cache du marchand Gustav Rochlitz qui l'avait échangée avec l'E.R.R. pour lequel il travaillait. Cette toile figure d'ailleurs sur la photographie de la salle des Martyres du Jeu de Paume à Paris (voir page 85). On ignorait où elle avait été pillée, Léonce Rosenberg ne l'ayant pas déclarée comme spoliée. En 1999, les recherches ont permis d'établir que l'E.R.R. s'en était saisi en octobre 1941 au siège de la galerie du frère de Léonce, Paul Rosenberg, alors réfugié aux États-Unis. La restitution de ce M.N.R. est une question qui se pose désormais.

Henri Matisse - Paysage, le mur rose

[English text] On perd la trace de ce "Mur rose de l'hôpital de Calvi", peint par Matisse en 1897, après une vente aux enchères, à Paris, en 1914. Il est retrouvé, en juillet 1947, à Tübingen, dans la cache d'un officier SS, Kurt Gerstein, qui s'était suicidé en 1945 à la prison du Cherche-Midi, à Paris, où il venait d'être transféré après un interrogatoire. Le témoignage de Kurt Gerstein est une pièce centrale dans la description du système exterminateur: ses propos constituent le seul témoignage existant, précis, technique et détaillé de gazages de Juifs, auxquels il a assisté, en tant que pourvoyeur du gaz Zyklon B, pour les camps de Belzec et de Treblinka. Les circonstances au cours desquelles il est entré en "possession" de ce Matisse (actuellement répertorié en M.N.R.) demeurent encore inconnues.

 

 

G. BAZIN, Souvenirs de l'exode du Louvre, Somogy, Paris, 1992 L. BERTRAND-DORLEAC, L'Art de la défaite 1940-1944, Seuil, 1993 J. CASSOU, Le Pillage par les Allemands des œuvres d'art et des bibliothèques appartenant à des Juifs de France, Éditions du Centre de documentation juive contemporaine, Paris, 1947 La Collection Schloss, ministère des Affaires étrangères, Paris, 1998 H. FELICIANO, Le Musée disparu, Austral, Paris, 1995 L. NICHOLAS, Le Pillage de l'Europe, Seuil, Paris, 1995 J. PETROPOULOS, Art as Politics in the Third Reich, Harvard University Press, 1996 R. VALLAND, Le Front de l'art, Plon, Paris, 1961; rééd., Réunion des musées nationaux, Paris, 1997. Pillages et restitutions: le destin des œuvres d'art sorties de France pendant la Seconde Guerre mondiale, Actes du colloque organisé par la Direction des musées de France le 17 novembre 1996, ministère de la Culture et Adam Biro, 1997, Paris.

 

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